Rien n'est bon ou mauvais en soi, tout dépend de ce que l'on en pense.
Il était une fois, il y a bien longtemps, deux royaumes ennemis depuis leur naissance, les royaume du Soleil et de la Lune. Depuis des siècles leurs relations se limitaient aux contacts commerciaux. Jusqu'à ce qu'un beau jour, la princesse de la Lune tombe follement amoureuse du prince du Soleil.
Après des années passées à l'admirer, la jeune femme se décida à le rencontrer en personne lors d'un échange commercial.
Seulement, il apparut que le prince ne ressentait pour elle qu'indifférence, bien qu'il la traita avec toute la gentillesse que la princesse méritait. Jamais elle ne se plaignit à quiconque mais bien souvent elle pleura, seule dans sa chambre. Jusqu'à être entendu par son père...
Celui-ci n'avait jamais vu d'un bon œil l'amour de sa fille pour ce prince, et il ne fallut guère longtemps pour qu'il en vienne à haïr le prince. Alors un plan germa dans son esprit et le roi de la Lune convoqua son magicien afin qu'ils discutent de la suite des événements...
Le piège fit mis en place dès la rencontre suivante : le prince du Soleil fut accueilli avec chaleur et invité à prononcer un discours. Le prince comme la princesse était ravis : serait-il venu le temps de faire cesser les querelles ?
Ils déchantèrent bien vite. Au beau milieu de son discours, le prince fut atteint par un sortilège et il s'écroula, tandis que son corps se couvrait de poils blonds. Attaqué par le sorcier, il se changea lentement en lion.
A cette vision, la princesse ne put retenir un hoquet d'horreur, elle était décontenancée par la situation. Mais elle reprit bien vite possession de ses moyens et plongea sur le sorcier, furieuse qu'on s'en soit pris à l'homme qu'elle aimait. Alors qu'elle griffait et frappait le sorcier en lui hurlant de rompre le Sortilège, un geste malheureux scella son sort. Dans la mêlée elle fut également touchée par le sort, et elle chuta en hurlant sa douleur. Elle sentait ses os s'allonger et sa peau se déchirer, transpercée par des écailles. Elle ne cessait de grandir et grandir jusqu'à faire la taille d'un éléphant. La princesse de la Lune avait été métamorphosée en dragon. Sous son poids, le château craqua et sous ses pattes le sceptre du magicien se brisa. Une aveuglante lumière se répandit dans tout le royaume en même temps que le Sortilège et chaque habitant hurla en sentant son corps changer. Chaque habitant du soleil fut condamné à ne redevenir humain qu'une fois la nuit tombée tandis que chaque habitant de la Lune devenait animal une fois le soir venu.
Dans la chute du château, le Roi de la Lune décéda. Le sorcier lâchement fuya et tous dénoncèrent la princesse comme unique responsable du malheur, même son chère prince. Cruellement blessée, elle s'enfuit à son tour, quittant les deux rotules, et plus jamais on ne la revit....
Δ
Il était une fois, une famille riche et puissante du Royaume de la Lune. Elle était grandement reconnue, tant par le peuple que par la royauté, et ses nombreux services rendus à la famille royale lui avaient valu l'acronyme de "Clan de la Lune" décerné de la main même du monarque suprême. En réponse à cet immense honneur, la famille redoubla d'effort, tant dans le commerce que dans l'élevage. Et bientôt, la famille du Clan de la Lune fut autorisée à participer aux échanges commerciaux qui avaient lieu entre le Royaume de la Lune et celui du Soleil.
Le patriarche ne se sentait pas de joie, il ne cessait de complimenter la famille royale à chacune de ses décisions, sous l'oeil attentif des autres noblesses.Vint alors le jour d'un échange commercial particulier, sensé véritablement sceller la paix entre les deux pays. Le patriarche y assista en personne, ravi des perspectives que l'alliance proposerait. Mais rien ne se passa comme prévu... Touchés de plein fouet par les relents du sortilèges, sa femme, ses enfants et lui furent changés en loup ainsi que chaque autre membre de la famille, du doyen au dernier nouveau-né. Jamais ils ne s'habituèrent à cette malédiction, bien qu'au fil du temps ils oublièrent ses origines.
Ainsi naquit le Clan de la Lune.
Δ Δ Δ
Notre histoire commence dans le Clan de la Lune. Aujourd'hui est un jour très spécial, on entend des cris dans le village. Chaque adulte est invité à se rendre à la Cathédrale. Dans une petite chaumière, on peut entendre des difficultés à savoir où laisser l'enfant. Les grands-parents vont également à la Cathédrale, elle est bien trop turbulente pour être laissée sans surveillance.
- Où pourrait-on la laisser ?
- Papa, je peux être sage quand même !
- Ce n'est pas à toi que je pose la question Leïa...Les trois habitants de la maisonnée se fixaient, en chien de faïence. Le père scrutait la mère, à la recherche d'une quelconque aide, la mère fixait la fille, cherchant une solution, la fille fixait le père, cherchant à se faire entendre.
- Mes parents vont également à la réunion, ils ne peuvent pas se charger d'elle
- Mais alors où... Je sais ! Pourquoi pas la Bibliothèque ?
- Papaaa, c'est ennuyeux là-bas !
- Ce n'est pas le sujet Leïa, c'est assez difficile comme ça de te placer, sans qu'on cherche en plus un endroit qui te plaît. asséna le père d'un ton las.
L'enfant pinça les lèvres, mécontente, et s'éloigna à grandes enjambées violemment frappées le sol, les bras croisés. Les adultes franchement, ils ne pensaient qu'à eux ! Ils allaient sûrement rester deees heures à leur stupide réunion, qu'allait-elle faire en attendant elle ? Le bibliothécaire était encore plus vieux que ses livres, ils n'avaient rien d'intéressant à se dire !
Mais l'enfant ne fut pas entendue et bientôt on la tira vers la Bibliothèque. La fillette avait beau tirer et freiner de ses quatre fers, ses parents s'en fichaient, et elle était impuissante face à son père.
Finalement, ses parents la poussèrent presque dans la Bibliothèque avant de la laisser sous la surveillance avisée de son propriétaire, maintenant assurée qu'elle ne pourrait pas prendre la poudre d'escampette si facilement. Et ils n'avaient pas si tort, car malgré de multiples tentatives, Leïa était toujours rattrapé par le vieil homme rabougri.
Dépitée, l'enfant finit par en avoir assez de ces tentatives infructueuses et renonça à l'idée de sortir. Après tout, ses parents la connaissaient, ils devaient avoir pleinement confiance en ce vieil homme pour la laisser ici. Il fallait qu'elle trouve un moyen de tuer le temps en attendant...
Leïa inspecta les alentours d'un air peu convaincu, jusqu'à apercevoir du coin de l’œil un immense grimoire, de son point de vue, posé sur un joli promontoire à l'écart des autres. Elle ne demanda pas vraiment la permission pour le prendre et l'emmena à la table la plus proche et elle l'ouvrit avec délicatesse, se demandant confusément ce que pouvait contenir un si gros livre. La gamine n'aimait pas beaucoup lire, mais ce bouquin l'intriguait, elle devait bien l'avouer. Alors, en faisant bien attention, la fillette commença à déchiffrer les lignes manuscrites. Si elle abîmait le livre, c'est sur elle que ça retomberait, alors autant y prendre garde.
Au fur et à mesure que Leïa lisait, elle comprenait plus ou moins ce qu'était ce livre. Sûrement une sorte de registre de son clan. Elle y avait retrouvé Reim, ainsi que les autres villageois qu'elle connaissait, et avait hâte de se trouver elle-même dans le livre, avec son père et sa mère. Et elle y parvint bientôt, accélérant son rythme de lecture maintenant qu'elle était persuadée de se trouver dans son livre. Avec un léger sourire, elle souligna de son doigt le prénom de son père, celui de sa mère, ainsi que le sien. Et un moue se figea sur son visage quand elle lut trois noms dont elle n'avait jamais entendu parler. La mère... Et la sœur de son père... Ainsi que son enfant.
...
Un hiver s'en va, le seizième pour Leîa. Ses compatriotes du Clan de la Lune se hâtaient, profitant de la saison pour chasser les petits animaux qui sortaient tout juste de leurs terriers des suites d'une longue hibernation.
Certains, comme ses parents, ratissaient discrètement les pourtours de leur Village, à la fois à la recherche d'informations sur le monde extérieur et leur heurre, mais aussi pour vérifier que nul danger ne les menaçait. Et de son côté, Alycia se sentait inutile. Elle flânait, donnait un coup de main à ceux qui en avaient besoin et sortait en forêt à toute heure du jour et de la nuit. Ce jour également, elle avait quitté le village à pas de velours, une fois le soir tombé. La lune, haut-perchée dans le ciel, suggérait que l'adolescente aie revêtue forme lupine. Et ainsi à quatre pattes, elle courrait. La nature défilait autour d'elle, une multitude d'arbres, tous identiques, se succédaient... La forêt ne semblait pas avoir de fin, il semblait que jamais elle ne s'arrêterait de courir. Et après tout, il lui aurait suffit de faire des demi-tour pour ne jamais s'arrêter. Aller contre le vent était un sentiment grisant. Mais cette folle course devait bien s'arrêter à un moment...
Leïa n'aurait su dire combien de temps elle avait passé à courir. Des minutes, des heures à fuir l'invisible, sans se fatiguer ? Toujours est-il qu'elle s'arrêta finalement au beau milieu des bois, reprenant lentement son souffle. Il commençait à se faire tard, et elle ne voulait pas faire nuit blanche, elle ne tarderait donc pas à rentrer.
Alycia repartit donc par où elle était venue, trottinant d'un bon pas. Elle s'était pas mal éloignée du village, et puisqu'elle n'avait pas envie d'y retourner en courant, elle mettrait sans doute plus de temps. La forêt était calme, extrêmement silencieuse même. Il semblait que la nuit aie absorbé chaque bruit, du hululement d'une chouette au chant du ruisseau. De ses yeux dorés, la louve scrutait la forêt, plus sombre que jamais, comme un signe de mauvais augure... Et du coin de l'œil elle entraperçut un éclair blond. Leïa se raidit immédiatement, agitant les oreille avec plus ou moins d'inquiétude. Un humain, dans la forêt ? Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien faire là ? Ouvrant la gueule pour humer l'air, Leïa fronça le nez. Il n'y avait aucun doute, ce n'était pas un loup. Mais alors qui ? Elle devait en avoir le cœur net.
Posant précautionneusement ses pattes sur les feuilles, veillant à ne faire craquer nulle branchage, Leïa se rapprocha de cet humain qu'elle avait entraperçut. Une autre tâche claire sur sa droite lui confirma que l'humain ne l'avait pas distancé et qu'elle aurait tôt fait de le rattraper.
Sitôt parvenu à sa hauteur, Leïa bondit hors des fourrés, droit sur l'intrus, et le plaqua violemment au sol. Surpris par l'assaut, le blond jeta du sable à la figure de la louve qui recula précipitamment en clignant des yeux, atteinte au sol. Puis, sentant du sable s'infiltrer dans ses narines, elle éternua copieusement pour s'en débarrasser, et porta ses pattes à son museau pour gratter en un geste frénétique. Ce n'est qu'une fois les grains parfaitement évacués qu'elle se calma vraiment. Sa truffe cessa de la brûler et elle souffla en relevant les yeux vers l'humain.
Plus grand qu'elle ne l'était actuellement, il avait des cheveux clairs et une tenue singulière. Mais il avait ce je-ne-sais-quoi qui nous donnait l'impression que malgré sa jeunesse, il était en réalité très vieux...
La louve scrutait donc l'intrus avec méfiance, celui-ci la fixait d'un air perplexe. Il ne devait pas comprendre pourquoi un loup l'avait attaqué. Et puisqu'il ne comprenait pas, il décida en toute innocence de faire ami-ami.
Mais dès qu'il leva le bras, Leïa recula en grondant. Elle s'attendait à une nouvelle volée de sable. L'inconnu rabaissa alors son bras, ne se voulant pas menaçant. Leïa grogna encore quelques secondes avant que le bruit sourd ne se taise. Elle garda ses oreilles plaquées sur son crâne mais balança mollement sa queue, sans quitter le blond des yeux. Lentement, celui-ci s'abaissa, se mettant à son niveau, avant de poster un regard clair sur le loup qui l'avait attaqué quelques instant plus tôt. Il ne semblait rien craindre, persuadé qu'elle n'attaquerait pas à nouveau. Et il avait raison...
A petits pas, Leïa se rapprocha de cet étrange humain. Elle refoula dans un coin de sa tête l'idée qu'elle était au départ venu le chasser, et doucement, effleura la joue du blond du bout du museau. Il esquissa alors un sourire joyeux et s'autorisa une caresse, partant de la base du coup pour remonter vers le crâne. Leïa accepta le geste de bonne grâce et le blond sourit plus largement, sûrement heureux de s'être fait pardonner le jet de sable.
Leïa sourit intérieurement, amusée de voir cet intrus si heureux pour une simple caresse. D'humeur taquine, elle lui lécha les doigts en secouant la queue, plus semblable à un chien qu'à un loup à cet instant. L'inconnu rit avec innocence avant d'enrouler le cou du loup de ses bras. Leïa ne broncha pas, agitant doucement les oreilles. Un léger vent s'était levé, et elle n'était plus aussi pressée de rentrer. Elle pouvait bien passer un peu de temps avec ce blondinet, il semblait amusant. Si enfantin, si imprévisible...
L'inconnu qu'il était relâcha soudain l'adolescente. Leïa pencha la tête sur le côté, une question dans le regard, à laquelle il s'empressa de répondre en invitant Leïa à jouer, tapant sur ses genoux comme on le fait pour attirer un chien. Et elle répondit avec enthousiasme. Alors, durant des heures, ils jouèrent tous les deux. A courir, à hurler maladroitement à l'unisson, à courser un cerf des plus invisibles... Leïa ne s'était pas autant amusée depuis longtemps, et il semblait en être de même pour son compagnon aux cheveux blonds. Seulement, toutes les bonnes choses ont une fin... Au bout d'un moment, elle décida qu'il était temps de rentrer, pour ne pas inquiéter ses parents.
Elle revint le lendemain. Elle espérait sûrement revoir son ami de la veille. Seulement, il avait déjà disparu...
Δ Δ Δ
Aussi loin que remontent ses souvenirs, Alycia n'a jamais vraiment souffert de la vie. Elle est née en pleine santé, et a grandi de la même manière. Ses parents s'aimaient, ils n'avaient jamais eu comme projet de se séparer, ils l'aimaient tous deux comme des parents se devaient d'aimer leurs enfants. Elle grandit sans souci, elle n'avait pas vraiment de problèmes à l'école sans être non plus la plus populaire. Quand elle eut 14 ans, sa vieille grand-mère décéda des suites d'un coup de chaud. Elle ne la pleura pas beaucoup, car elle ne la connaissait pas énormément. Elle s'était brouillée avec ses parents il y a bien longtemps.
Une année passa, jusqu'à ce que survienne celle qui serait la plus importante de sa vie.
Alycia obtint un petit frère. Un être fragile, sujet à de nombreuses maladies. Il était souvent contraint de garder le lit, et il fallait lui acheter des médicaments pour tout et rien. Alors il y eut quelques privations... Ils n'étaient pas pauvres, loin de là, mais il n'était plus question d'acheter chaque jour un livre, ou de manger chaque soir au restaurant comme ils auraient précédemment pu se le permettre. Alycia en fut agacée un long moment. Ce petit frère, qu'elle ne pouvait même pas voir car il restait pour l'instant en chambre stérile, lui pourrissait la vie. C'était comme un fardeau dont elle aurait simplement voulu se débarrasser.
Seulement, au fil des années, elle fut bien obligé de mûrir, et d'arrêter d'en vouloir à ce petit frère. Après tout, elle l'avait finalement rencontré, et le voir plusieurs fois accroché à des perfusions avait calmé son égoïste irritation. Elle avait fini par le chérir, et aider ses parents à s'en occuper. Le visiter pendant qu'ils travaillaient, quelques petits boulots en été pour lui offrir des choses... Des années ont passé maintenant. Le bébé-bulle a bien grandi, il a 10 ans maintenant, il quitte l'hôpital régulièrement, et si il ne peut pas faire de sport, il peut néanmoins s'amuser comme un enfant normal. Il fait de l'asthme, et des rechutes, mais il s'en sort, et la vie continue. Alycia a lié un lien très fort avec lui, peut-être même plus que ses parents. C'est d'ailleurs elle qui héberge l'enfant quand il sort de l'hôpital, ses parents étant bien trop occupés. Alors qu'elle est souvent chez elle pour réviser ses cours...
Maintenant, Alycia a 25 ans. Elle travaille dans une Animalerie, et fait des études de Droit, avec en tête un Doctorat. Le temps s'écoule paisiblement, les choses s'améliorent, s'aggravent avant d'à nouveau s'améliorer. Rien ne change, rien ne bouge. En tout cas, c'était le cas jusqu'à présent. Mais demain est un nouveau jour...